Wabi Sabi et modernisation du Japon :
On peut tout à fait être perplexe à l’issue de cet aspect abordé du Japon, surtout lorsque l’on y met en regard l’extraordinaire modernisation dont on fait preuve les villes japonaises depuis la fin de la Deuxième Guerre Mondiale.
Deux réflexions à ce sujet :
- La société japonaise comporte en elle cette dichotomie propre à tous les pays asiatiques qui se sont ouverts au monde industrialisé et occidental : ce n’est pas exactement particulier au Japon, mais il y a eu en eux une grande avidité de s’occidentaliser dans leur mode de vie pour concurrencer, voire « rattraper » l’Occident
Patchinko dans une salle de Kochi
- Même si les jeunes Japonais du XXIème siècle sont de plus en plus étrangers à l’ensemble de leurs coutumes et traditions, de leur philosophie, de leurs arts ancestraux, on peut dire que cela fait partie du concept wabi-sabi : en effet, un mode de pensée qui prône l’impermanence de toute chose ne peut pas rester figé dans le temps, temps qui évolue en dedans et en dehors de toute chose, qui par essence nous échappe. Accepter l’inévitable.
Le Wabi Sabi n'est pas une doctrine, il ne véhicule dons pas de valeur morale comme nous, nous l'entendons. Néanmoins, il est là, dans toute la production japonaise, et pas seulement les arts traditionnels. Tant pis si j'en fais hurler certains, mais les ex-fans du Club Dorothée se reconnaîtront et comprendront peut-être ce que j'essaie de formuler ci-après :
Les Mangas importés du Japon (donc, là, on parle des dessins animés, les "anime"), ont été une source d'importation de l'esprit Wabi Sabi en France. Tous les "codes", que les jeunes de l'époque se sont appropriés, viennent des philosophies nippones (et donc il y a aussi un peu de Wabi Sabi là-dedans).
Exemples :
La poétisation de l'image (envolées de fleurs de cerisiers), le culte de la nature, l'accomplissement de tâches humbles, le petit air de flûte ou le passage d'un train... Enfin, là, je parle des anime issus des premiers mangas, les Osamu Tezuka, etc. car les Mangas d'aujourd'hui n'ont plus grand chose à voir avec ces espaces d'harmonie avec le temps qui passe et la Nature.
Entrée (torii), forêt de Seiran
Wabi Sabi et japonisation de l'Occident :
Donc, si on considère que le contact avec l'Occident (surtout l'occupation américaine) des années 1950 a modifié le profil du Japon, on peut dire que les anime arrivés en masse depuis la fin des années 1970 et pendant les années 1980 en France ont laissé des traces sur les esprit des jeunes de cette époque (qui n'ont pas tous été traumatisés par Ken Le Survivant, non non).
Ce serait d'ailleurs intéressant de développer à quel point les anime ont abordé des thèmes qui, pour l'époque, n'étaient pas d'actualité, mais qui étaient enveloppés de Wabi Sabi et donc parlaient nature (écologie, Nausicaa), plaisirs simples, beautés humbles (Miyasaki et Princesse Mononoké, Mon Voisin Totoro). Bon, là il est urgent de reprendre le fil qui nous intéresse, stop aux digressions.
Wabi Sabi nous remet à notre place de simple humain.
Tout objet wabi sabi est dans l'évolution constante. Il subit les effets du temps, les inéluctables vieillesse et dégradation.
Etre wabi sabi, c'est accepter cette évolution avec une sérénité qui confine à la joie : joie très éloignée des crèmes antirides et du botox, joie qui voit dans les signes du temps le fait que quoi qu'on fasse, on est façonné malgré nous.
Joie du temps passé qui ne se reproduira plus (culte de la mélancolie),
Joie de vivre le présent en se soumettant avec humilité à la décrépitude, le vieillissement, l'érosion,
Joie de savoir laisser de côté les turpitudes du passé et du futur : pas de regrets ni de projets, l'instant Wabi Sabi s'arrête à la contemplation du moment.
Le Wabi Sabi continue à exister et sera là après nous.
Ce n'est pas une glorification du passé, si on croit cela c'est qu'on n'a rien compris.
C'est la tentative d'approcher l'harmonie et la sérénité à travers l'émotion procurée par l'empreinte, physique et temporelle, de la nature et l'humble beauté qui en résulte.
Cette harmonie, on la trouve aussi dans l'accomplissement de toute tâche humble, physique, voire prosaïque, qui, lorsqu'elle est accomplie avec l'esprit le plus serein, l'âme tranquille, disponible, mais tournée par la volonté d'y mettre un "supplément d'âme", prend alors une dimension contemplative qui vaut une expérience de méditation.